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Nous ne sommes pas multiculturels mais déterminés par le lieu de naissance, les influences, le contexte historique et la langue dans lesquels nous avons grandit. Ce que nous créons est issu de ces paramètres consciemment ou inconsciemment. Et c’est tant mieux, pourquoi le rejeter? Nous ne sommes qu’une pierre à un édifice, nous réinventons sans cesse à partir d’un creuset riche et passionnant.

Les exemples sont nombreux. Ils laissent transparaître à travers de nombreuses peintures contemporaines des influences diverses de ses pairs et de ceux que l’on admire. Se baigner dans sa culture est indispensable pour la faire vivre et la faire perdurer. Cela n’empêche nullement les apports de l’extérieur venant elle aussi l’enrichir et l’histoire nous l’a constamment démontrée. La notion du multiculturel est tout autre, elle suppose une absence de culture propre dans un brouhaha inaudible et sans attache.

Je revendique un espace culturel et ne renie pas les pairs qui ont façonné indirectement mon travail.. Il ne s’agit nullement de copier ni même de s’ en inspirer, mais de se nourrir d’oeuvres qui nous font échos, dans lesquelles nous nous retrouvons et qu’il nous plait d’admirer.

Participer à un univers culturel, revient à accepter modestement son enrichissement, là ou nous sommes, honnêtement et sans intentions universalistes. Une oeuvre qui porte touchera de toute manière et ce quelques soient ses origines

Toute écritures et démarches artistiques sont déterminées par une histoire. Elles ne précèdent pas le discours ou les théories, mais elles sont le résultats d’une lente maturation issue d’un long travail. La pratique fut au court des deux derniers siècles décrié et condamné sur l’autel de la démocratisation de l’art et de sa prétendue facilité.

Mais l’art n’est pas chose aisée, il suppose détermination, abnégation et humilité face à son propre travail. L’évolution est lente afin d’obtenir un résultat au plus près de l’âme de l’artiste. Car c’est bien de cela dont il s’agit, la personnalité et l’égo ne prennent paradoxalement qu’une part minime dans l’oeuvre.

Une démarche semble artificielle quand elle ne sert que le séduisant au lieu de l’esthétique; la dérision au lieu du noble; le mercantilisme et la mode au lieu de l’intemporel et du pérenne. Une oeuvre ne peut émouvoir, bouleverser, toucher le coeur des Hommes que dans ces conditions. Cet objectif reste une de mes préoccupation quotidienne.

Je considère qu’une démarche est honnête, lorsqu’elle se situe au plus prés de ce qui détermine la nature Humaine, la complémentarité entre la vie et la mort. Cette dernière est à mes yeux la plus fondamentale des notions. Plus précisément « le passage » entre l’une et l’autre de ces deux dimensions. L’artiste est un passeur, il voit plus loin et le redire aujourd’ hui paraît une nécessité.

Cette vision que je qualifierais de globale, inclue l’indicible, ce que le coeur et l’âme perçoivent et que les yeux ne voient pas. L’artiste doit inviter le spectateur à découvrir et développer ce regard intérieur afin de dépasser la réalité toute relative de notre monde visible. D’ailleurs ils ne s’y trompe pas, un public ouvert et intéressé saura capter l’au delà de la réalité.

la pratique est une gymnastique quotidienne. Elle s’insère dans la vie progressivement jusqu’à en devenir vitale et indispensable. Le peintre est conscient de cette caractéristique l’incitant à un renouvellement régulier.

Mais au delà de cette nécessité pour l’artiste peintre, sa pratique génère son propos. Une démarche artistique prend forme progressivement et ce en dépassant la seule volonté de son créateur. L’existence et la vie personnelle intervient bien évidemment dans ce lent processus, mais d’autres paramètres aléatoires et inexplicables, un phénomène que l’on constate à partir d’une certaine avancée dans l’élaboration de l’oeuvre, ce que je définirais par le  »souffle » lui donnant vie.

La démarche suit. Elle surgit de ces images, mélange subtil d’une volonté et d’un laissé aller ou le hasard intervient. Mais est ce bien le hasard? Le monde contemporain l’a minimisé et le matérialisme à fait son oeuvre., ce qui n’est pas compris est nié voire moqué. Par Peur ? Par manque d’ouverture d’esprit ? Par conditionnement ? L’éloignement de la pratique au détriment des discours et des concepts ont également contribués à cet asséchement pictural ainsi qu’ à une de-spiritualisation de l’approche du domaine artistique.

Pourtant quelle plaisir que de découvrir ce qui apparait à notre insu. Je dirais même que cela constitue la principale jouissance du peintre. Cet aspect  »magique » apparaît quand on se confronte à la peinture sans a priori. Ainsi cette pratique dont l’art contemporain s’est éloigné, reste pourtant le coeur de la création artistique en conditionnant le sens profond de l’oeuvre.

Reste le protocole que l’artiste met en place qui peut se définir par un ensemble de gestes qui va se répéter pour un travail donné. Préparation des fonds, format, application des sous couches, palette utilisée pour la série, épaisseurs et matières choisies, sujet et contenu, harmonisation des différentes toiles, formeront un ensemble indissociable qui donnera le ton.

Ces protocoles permettent de pas s’enfermer dans un système. Ils ont comme conséquence une recherche constante qui renouvelle l’oeuvre de l’artiste et le conforte dans la direction qu’il souhaite prendre. Il ne faut pas confondre composition formelle et écriture. Le style se définit par une écriture et non par des formes maintes fois répétées.

l’atelier est un lieu de création indispensable. Il n’est pas secondaire dans les gestes créatifs et dans les procédures qui se mettent en place lors de l’élaboration de l’oeuvre. Ma pratique a changé lorsque je me suis installé dans un lieu plus spacieux et éloigné de mon domicile. Alors que chez soi la pratique est permanente et quotidienne, dans un espace dédié elle s’organise par séquences. Le rythme d’un artiste est fonction également de ces conditions de création.

Mais l’atelier est aussi un lieu intime, une alcôve aménagée pour une relation de proximité avec la toile, ou au contraire un espace spacieux ou l’artiste circule et se bat avec son support. Dans tout les cas ce n’est pas un lieu anodin et gratuit, c’est un laboratoire.

Les odeurs enivrantes d’ essences, d’huile de lin, de vernis viennent vous chatouiller le nez et participe à l’ambiance charnel du lieu.

Le peintre est sensible à cette ambiance et il devient très vite addict à son espace de liberté et de plaisir. L’exposition est un autre plaisir qui complète le travail en atelier. Le regard du spectateur est indispensable, il est neutre et vierge ses réactions sont des indicateurs importants sur l’impact des oeuvres proposés. Non que le peintre les attend, mais il reste curieux de la réception et de l’impact de ce qu’il a élaboré.

Reste Se séparer d’une image qui en définitif constitue un petit moment de la vie du peintre. Le spectateur fait sienne la toile qu’il désire. Un des meilleurs moment pour un artiste est quand le spectateur entre dans l’exposition et se dirige droit sur la toile qu’il a choisit; à moins que ce ne soit elle qui le choisit.

La matière picturale m’a toujours fascinée et plus précisément lorsque la lumière en surgit. Quel paradoxe que d’en créée à partir d’une matière mate et inerte, se fut tout au long de ma carrière de peintre une préoccupation et un étonnement constant.

Mais cette matière n’est pas simplement de multiples couches picturales qui s’accumulent, elle est bien plus, un monde, un microcosme, un réseau de méandres profondes et mystérieuses qui apparaît progressivement et qu’il convient d’explorer.

Le peintre est il pleinement responsable de l’incarnation de cet univers? Nous avons vu que dans la pratique il n’en est rien. si l’objectif de tout artiste et de créer et de parfaire une écriture, la matière est nettement moins consciemment dirigés. Plus on la scrute, l’explore, plus on le perçoit.

Les outils ont une importance relative en ce qui concerne ma pratique. En effet je n’en ai aucun de privilégié, la fin justifie les moyens en ce qui me concerne. Ils ne sont nullement négligés, juste qu’ils interviennent afin de donner des effets les moins artificiels possibles. Les techniques récentes comme l’acrylique permettent des rendus accélérés moins qualitatifs que des techniques traditionnelles comme l’huile par exemple. Les outils utilisées permettent des épaisseurs ou des superpositions parfois bâclées ou la technique et les matériaux prennent le pas sur l’effet recherché. Ainsi à mes yeux les outils doivent participer au supplément d’âme qui constitue la qualité émotionnelle et artistique de l’oeuvre.